Par Jeremy Douville
(Mortimer et Mélodie viennent de regarder un film en amoureux collés sur le divan.)
Mélodie : Woah tellement émouvant ce film!
Mortimer : Ah oui tu trouves? Moi j’ai mieux aimé le premier. On dirait qu’ils ont réduit le budget dans celui là vu qu’ils savaient que ça pognait déjà.
Mélodie : Ah bon je ne trouve pas moi…
(Moment de silence)
Mortimer : (hésitant) Hey Mel… Faut que je te dise un truc… Parfois je me dis que ça ne pourra pas marcher entre nous.
Mélodie : Hein ?! Comment ça ?
Mortimer : (le regard fuyant) Je ne sais pas trop, je pense que je n’ai pas assez confiance en moi.
Mélodie : (en mettant sa tête sur son l’épaule) Pauvre toi. Tu sais, moi je t’aime comme tu es.
Mortimer : (se retourne pour la regarder dans les yeux) Je sais, moi aussi je t’aime de tout mon cœur et t’est la fille la plus extraordinaire que je connaisse, mais c’est juste que…
Mélodie : C’est juste que quoi?
Mortimer : Je pense que tu mériterais mieux.
Mélodie : Comment ça mieux, c’est quoi mieux pour toi?
Mortimer : Dans le sens que je voudrais pouvoir t’offrir le confort dont tu as besoin, pouvoir faire en sorte que tu ne t’ennuie jamais et te faire des cadeaux tout le temps. Je voudrais pouvoir être là tous les jours pour toi, mais dans le fond je suis juste un…
Mélodie : (en lui coupant la parole) Ok stop! Déjà je suis très confortable avec toi et ensuite je sais pertinemment que tu fais de ton mieux pour m’offrir tout ça et pourtant ce n’est pas nécessaire. Moi tout ce dont j’ai besoin c’est que tu sois là comme tu es avec moi. Tant pis si c’est deux soir par semaine. (Un temps) T’es beaucoup trop dur avec toi-même!
Mortimer : Ouais surement…
Mélodie : T’es pas une sorte de demi-dieu là. T’es juste un humain comme les autres.
Mortimer : Vrai… Mais en plus je n’ai pas de désirs sexuels, pas que tu ne sois pas sexy, on dirait que j’suis asexué ou un truc du genre. Au point ou quand on le fait, en vérité, je le fais surtout pour te faire plaisir… Puis, je ne suis même pas bon.
Mélodie : Oh la la… Grosse révélation. Mais c’est quoi le problème? Tu n’aimes pas faire l’amour?
Mortimer : Non, ce n’est pas ça. Je n’ai seulement pas d’envie de le faire.
Mélodie : Est-ce que ça à un lien avec ce qu’on avait parlé l’autre jour? Un genre de traumatisme?
Mortimer : Peut-être bien… Mais en fait, à part par curiosité je ne me rappelle pas vraiment déjà avoir eu cette envie-là.
Mélodie : Il me semble qu’à notre âge ce n’est pas normal… Es-tu déjà allé consulter pour ça?
Mortimer : Non pas vraiment. En fait ça ne m’intéresse pas d’avoir du sexe.
Mélodie : Du coup, pourquoi voulais-tu une copine si ce n’est pas pour tremper ton pinceau?
Mortimer : Pour aimer, être aimé, faire des trucs ensemble, s’écouter, se faire confiance, tu sais ce genre de trucs mignons qui rendent la vie plus facile à supporter.
Mélodie : Voyons, tu te crois dans un film d’amour ou quoi?
Mortimer : Mais non.
Mélodie : Et le tout sans contact physique?
Mortimer : Mais non enfin, ce serait impensable!
Mélodie : Alors … Est-ce que c’est parce que tu aimes mieux les hommes?
Mortimer : Non non tu n’y es pas du tout. Tu cherche trop loin je pense.
Mélodie : Mais j’essaie de comprendre.
Mortimer : Ya rien à comprendre, je n’aime juste pas ça bon.
Mélodie : Alors tu déballes ça sur la table et tu ne veux pas qu’on en parle?
Mortimer : Non, ce n’est pas ça. (Soupir) je t’aime quand même tu sais.
Mélodie : Moi aussi je t’aime…
(Ils ne se regardent plus, ils pensent tous les deux à ce qu’ils vont dire ensuite)
Mélodie : Mais tu n’es pas prêt en fait.
Mortimer : Quoi?
Mélodie : T’es pas prêt
Mortimer : Oui, ça j’ai compris, mais qu’est-ce que tu veux dire?
Mélodie : Ça se voit, tu n’es pas prêt à mettre des efforts pour que ça marche entre toi et moi et dans ce cas-là, on est aussi bien d’arrêter de perdre notre temps. Une relation, ça se construit à deux et comme tu es toujours en train de t’isoler et de t’auto dégrader, je me retrouve souvent seule là-dedans. Puis de toute façon tu préfères être tout seul.
Mortimer : Ce n’est pas faux, mais ça me rendrait triste de ne plus pouvoir entendre ta voix … et de te perdre…
Mélodie : C’est clair qu’on va être tristes chacun de notre côté pendant un certain temps, mais ça va passer. En plus t’es un bon gars, tu trouveras facilement quelqu’un d’autre une fois que tu seras prêt. Enfin bref, je n’ai plus rien à faire ici moi. (Commence à remettre ses bottes et sa veste)
Mortimer : Mélodie attend! Tu ne peux pas partir comme ça.
Mélodie : En fait, je peux oui.
Mortimer : Tiens, n’oublies pas « La chute du crabe fantôme » (En lui tendant la pochette du film)
Mélodie : Oh oui, tu as raison. D’ailleurs je l’avais choisi pour toi ce film
(Part et referme la porte derrière elle)
(Après son départ, Mortimer, confus, s’étend sur le sol. Une petite goute d’eau sorti de son œil gauche, mais le droit resta sec. Comme si son visage se séparait en deux émotions distinctes. Il y resta allongé une bonne partie de l’après-midi, puis alla se coucher sans diner)
Mot de l’auteur : Je ne suis pas dans le programme théâtre du Cégep, mais j’aime bien essayer de nouvelles choses, alors il se peut que ce soit plus ou moins cohérent pour les connaisseurs. Surtout quand on sait qu’à l’origine, une pièce est faite pour être vue ou entendue et non seulement lue. J’espère quand même que cette histoire vous apportera une petite réflexion. Merci d’avoir lu mon texte.