Photo de Rosa Luxemburg (1870-1919)
Figure de la Révolution polonaise et de la Révolution allemande, Luxemburg est connue pour son implication dans différents partis socialistes (Partie sociale-démocrate de Royaume de Pologne et son homologue allemand) et marxistes révolutionnaires (Ligue spartakiste). Avec le contexte politique de l’époque, la controverse se faisait forte dans le parti social-démocrate allemand à savoir s’il fallait soutenir la guerre. Luxemburg pensait qu’il fallait s’y opposer et organiser une grève générale révolutionnaire, contrairement à plusieurs membres du SPD, et a été emprisonnée par mesure de protection en 1915[1]. Rosa Luxemburg penserait donc cette phrase parce qu’elle s’est fait emprisonner pour sa pensée.
Cette thèse relève de la philosophie politique, puisqu’elle fait interagir les concepts de justice et de liberté. Commençons par définir le concept clé de cette citation. Ma définition de la liberté est la suivante : il s’agit de la capacité à faire tout ce qu’on peut faire sans nuire aux autres. Par exemple, si je trouve un prunier à l’état de nature, j’ai la liberté de manger ses prunes. Cependant, je n’ai pas la liberté d’empêcher qui que ce soit d’autre d’en faire autant, que ce soit en clôturant l’arbre ou en faisant souffrir ceux qui s’en approchent. Et je n’aurais d’ailleurs aucune raison de le faire, car je n’aurais pas la notion de propriété terrestre, de sédentarité et d’État, concepts qui pour l’humain présocial sont encore flous. Ce niveau de liberté semble être impossible à atteindre maintenant que la majorité des populations habitant le globe sont sédentaires. Il n’y a donc pas de liberté autant pour Rosa Luxemburg que pour vous et moi, puisque la notion de propriété nous empêche de faire tout ce que nous pouvons faire sans nuire aux autres. L’être humain a donc balisé sa liberté par le biais de la justice. La justice, c’est l’organe politique qui assure que la liberté est balisée de manière égale pour tous les humains. Cet organe est inévitablement atteint du point de vue de ses auteurs (l’État est biaisé sur sa définition d’un humain, par sa quête d’enrichissement et sa morale). Ce qu’il reste de la liberté, après cette mise de balises, ce sont nos droits. Si nous transgressons nos droits, nous commettons un crime et l’État répondra par un resserrement des balises de notre liberté. Cependant, penser l’État n’est pas un crime en lui-même, puisqu’on ne commet aucune action dérogeant de la justice. Dans une démocratie, l’accès à la remise en question de la morale de l’État en toute sécurité est essentiel.
Bref, je reformulerais la phrase de Rosa Luxemburg de cette manière : « Il n’y a pas de justice s’il n’y en a pas pour ceux qui pensent différemment de l’État ».
[1] Jean-Claude KLEIN, « LUXEMBURG ROSA – (1870-1919) », dans Encyclopaedia Universalis, http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/rosa-luxemburg/, (Page consultée le 2 mars 2023).
Ce texte a valu à Alexis Coutu le deuxième prix du concours Femmes philosophes, organisé dans le cadre de la semaine de la philosophie. De la part de toute l’équipe de La Gifle, nous le félicitons!
Nous tenons à remercier le Comité organisateur de la Semaine de la Philosophie et ses donateu.rice.s : Mme Naïma Hamrouni, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe, M. Jean-Marie Debays, ancien professeur du département de philosophie du Cégep de Trois-Rivières et la direction du Cégep de Trois-Rivières.
Un grand merci aux membres du jury: Mme Naïma Hamrouni, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe, M. Jean-Marie Debays, ancien professeur du département de philosophie du Cégep de Trois-Rivières et la direction du Cégep de Trois-Rivières.